L’HYPNOSE IMAGINALE

L’hypnose imaginale est une forme d’hypnose que j’ai élaborée en 2018, et qui permet d’explorer notre nature intérieure au moyen de visions symboliques produites par notre imagination. Lors de cette exploration introspective qui s’effectue de manière très consciente, un véritable dialogue s’installe avec notre part inconsciente. Notre inconscient à toujours une foule de choses très intéressantes à nous dire, généralement pour nous aider à sortir des mauvais pas dans lesquels les circonstances de la vie nous projettent bien malgré nous, mais aussi de ceux dans lesquels nous avons une fâcheuse tendance à nous mettre tout seuls ! Et, malheureusement pour nous et notre santé psychique, bien souvent nous ne l’écoutons pas, ou si peu. Pourtant, la voix de l’inconscient nous accompagne constamment et tente désespérément d’attirer notre attention afin que nous comprenions ses messages. L’hypnose imaginale offre cette opportunité d’entendre — enfin ! — la voix de notre inconscient, cette part si importante de nous-même, de manière directe et privilégiée, et de bénéficier de ses richesses.

J’ai structuré la pratique de l’hypnose imaginale autour de plusieurs concepts théoriques et techniques développés par d’éminents précurseurs : « l’imagination active » selon le psychiatre Suisse Carl G. Jung, le « monde imaginal » selon le philosophe orientaliste Henry Corbin, et le « voyage chamanique » selon l’anthropologue américain Michael Harner.

« L’imagination active » selon Carl G. Jung,

Pour le psychiatre Suisse Carl G. Jung, notre psyché est dotée de nombreuses fonctions fondamentales, dont une particulièrement importante qu’il nomme « fonction transcendante ». Son rôle est de permettre aux contenus inconscients de franchir le seuil de la conscience pour y être intégrés et participer ainsi à l’évolution de cette même conscience. Autrement dit, cette fonction établit une communication étroite entre le pôle conscient et le pôle inconscient de notre psychisme, de telle manière que les deux pôles se rapprochent de plus en plus, jusqu’à finir par se réunir dans un état idéal que Jung appelle la « réalisation de Soi » — et qui signifie certainement la fin de nos ennuis !

Bien que ce bel objectif de réalisation représente un lointain idéal pour la plupart d’entre nous, il n’en est pas moins vrai pour Jung, que notre part inconsciente nous pousse résolument dans cette direction durant toute notre vie, dans un élan qu’il appelle « la voie de l’individuation ». Selon Jung, suivre la voie de l’individuation c’est redevenir « un », retrouver l’unité originelle, l’union du conscient et de l’inconscient, les pôles opposés de la psyché.

Le processus d’individuation se produit de manière naturelle et autonome en nous, mais comme il a tendance à tout chambouler dans notre vie si l’on n’y est pas préparé, il est parfois nécessaire de l’accompagner, voire de l’anticiper, par notre participation directe, ce que Jung nomme « l’imagination active » :

« […] il s’agit d’un fantasme, de caractère visuel, quelque chose qu’au Moyen Age on appelait vision. Mais il ne s’agit point d’une vision onirique, que le sujet aurait perçue au cours d’un rêve intense ; non… Il s’est agi simplement d’une « vision » survenue au cours d’un épisode de concentration intensive sur les ombres qui se profilent à l’arrière-plan de la conscience, en bref, au cours d’un de ces états que j’ai désignés du terme technique : imagination active. Ces perceptions visuelles au cours de l’imagination active exigent, en général, pour être perçues un entrainement déjà assez poussé. » (C. G. Jung – Dialectique du Moi et de l’inconscient)

Carl Gustav Jung

En effet, lorsque l’on dirige avec efforts notre attention au moyen de l’imagination active, sur les contenus que notre inconscient nous envoie, on constate l’émergence de « visions » qui ont ceci de particulier qu’elles sont vécues comme étant plus vraies que la réalité. Car notre psyché a ce pouvoir remarquable, — extraordinaire même ! —, de créer un monde virtuel dans lequel notre conscience peut tranquillement se balader — un peu comme un joueur dans les mondes ouverts virtuels des jeux vidéos. Cet environnement virtuel psychique, Henry Corbin l’a nommé « monde imaginal ».

Le « monde imaginal » selon Henry Corbin

S’appuyant sur les philosophes Perses du Moyen-Age, le philosophe orientaliste Henry Corbin, a théorisé l’existence dans notre psyché d’un espace qu’il nomme « monde imaginal ». Le terme « imaginal » est un néologisme qu’il invente pour souligner les deux notions essentielles de ce monde psychique : l’image et l’espace. En effet, le monde imaginal est le royaume de l’imagination dont la fonction est de créer de nouveaux contenus : les « images ». L’ensemble de ces « images », qui constituent en quelque sorte le bestiaire de notre imaginaire, a besoin d’un espace pour exister et dans lequel il peut se déployer à loisir. Cet espace est justement le monde imaginal, le mundus imaginalis comme l’appelle Corbin :

« Que l’on n’entende pas le mot « images » au sens où de nos jours on parle à tort et à travers d’une civilisation de l’image ; il ne s’agit jamais là que d’images restant au niveau des perceptions sensibles, nullement de perceptions visionnaires. Le mundus imaginalis de la théosophie mystique visionnaire est un monde qui n’est plus le monde empirique de la perception sensible, tout en n’étant pas encore le monde de l’intuition intellective des purs intelligibles. Monde entre-deux, monde médian et médiateur, sans lequel tous les événements de l’histoire sacrale et prophétique deviennent de l’irréel, parce que c’est en ce monde-là que ces événements ont lieu, ont leur « lieu ».

Henry Corbin - "L’Imagination créatrice dans le soufisme d’Ibn ‘Arabî"

Pour le dire plus simplement, Corbin situe le monde imaginal comme un intermédiaire, une passerelle entre les deux autres mondes que sont celui de notre corps (les sens) et celui de notre mental (l’intellect). Pour lui, c’est le lieu de notre imagination créatrice, l’endroit où naissent les « visions » symboliques susceptibles de nous inspirer un sens à suivre, un sens d’essence spirituelle.

Il ne vous aura pas échappé que l’imagination créatrice de Corbin ressemble comme deux gouttes d’eau à l’imagination active de Jung ! Et c’est assez logique, car psychologie et philosophie sont deux portes qui ouvrent sur une même réalité : celle du psychisme humain.

Ainsi, lors d’une séance d’hypnose imaginale, nous plongeons véritablement dans notre propre monde imaginal où nous pouvons en explorer tous les recoins, à la découverte des visions symboliques qui donneront un sens nouveau à notre vie.

Mais à quoi peut bien ressembler ce monde imaginal ? Ces visions symboliques, quel sens portent-elles ? Que se passe-t-il exactement dans cette réalité virtuelle que crée notre psychisme et qui semble tellement plus vraie que la réalité qui nous entoure ? Pouvons-nous y agir, et comment ?

Toutes ces questions légitimes trouvent leurs réponses dans une pratique aussi vieille que l’humanité, qui a changé de formes au cours des âges mais qui a su conserver son essence et survivre jusqu’à nos jours, peut-être pour la simple raison qu’elle est l’expression de l’âme humaine. Cette pratique se nomme le chamanisme.

Le « voyage chamanique » selon Michael Harner

Le chamanisme est un ensemble de croyances et de rites dont l’origine remonte à l’aube de l’humanité. Pendant des milliers d’années, ses secrets furent jalousement gardés par les initiés, les chamanes, appelés parfois hommes-médecine ou sorciers. Ils étaient considérés comme des personnages dotés de pouvoirs extraordinaires, dans la mesure où ils avaient la capacité d’aller et venir à leur guise dans le monde des esprits et de communiquer avec eux. Dans les sociétés primitives, leur position était centrale car ils devaient localiser par divination les ressources vitales comme l’eau et la nourriture, soigner les vivants, et guider les morts dans le monde des esprits.

Avec l’essor de la médecine moderne et du rationalisme scientifique, leur rôle s’est peu à peu réduit comme peau de chagrin, jusqu’à ne plus représenter qu’une sorte de dépositaire folklorique de traditions anciennes. Autrement dit, on ne comprenait plus très bien ce qu’était le chamanisme, son rôle, et son intérêt. La science anthropologique, né au XIXe siècle, commençait à l’étudier, mais la règle fondamentale de l’anthropologie était de ne pas interagir avec l’objet de son étude, au risque d’exercer une influence sur celle-ci et, de ce fait, d’en fausser les résultats. L’anthropologue observait donc de l’extérieur les chamanes effectuer leurs rituels magiques, chanter leurs mythes épiques, et danser des animaux fabuleux, sans véritablement parvenir à comprendre leur système ritualo-religieux plus complexe qu’il semblait paraître.

Jusqu’à ce qu’un jeune anthropologue du XXe siècle, Michael Harner, frustré de ne pouvoir percer les secrets du chamanisme, décida de franchir la ligne rouge et de consommer l’ayahuasca (la liane de l’âme), la boisson sacrée des Indiens Conibo chez qui il était en mission de recherche. Cette expérience très intense fut le début de son exploration du chamanisme vu de « l’intérieur », qui le mena à découvrir d’autres formes de pratiques dont certaines n’utilisant aucunes substances psychotropes, comme le tambour par exemple. Ces découvertes le conduisirent à la conclusion que les rituels des chamanes les plaçaient dans des états de conscience modifiés leur permettant d’accéder au « monde des esprits », et que tout un chacun pouvait en faire autant ! Ainsi développa-t-il une technique spécifique de « voyage chamanique », avec l’usage du tambour, qui permettait aux Occidentaux non initiés de « voir » comme les chamanes.

Que voit-on justement lors d’un voyage chamanique ? Pour commencer, on pénètre dans un des trois mondes des esprits : le monde d’en bas, le monde d’en haut ou le monde du milieu. Chaque monde a sa spécificité, sa géographie, sa faune, sa flore, et ses esprits. On peut y trouver des animaux de pouvoir qui, s’ils nous adoptent, nous font bénéficier de leur puissance. On peut également y rencontrer notre Guide dont la vocation est de nous orienter dans la bonne direction et de nous faire bénéficier d’enseignements précieux. Enfin, on peut être amené à vivre des métamorphoses radicales qui nous transforment en profondeur.

Ce rapide aperçu du voyage chamanique nous laisse entrevoir des similitudes frappantes avec, d’une part l’imagination active de Jung, dont la fonction est de produire des visions du même ordre, et avec, d’autre part le monde imaginal de Corbin, lieu de déploiement de ces visions dans lesquelles nous pouvons naviguer et avec lesquelles nous pouvons interagir.

L’hypnose imaginale, mandala symbolique

J’ai élaboré la pratique de l’hypnose imaginale en la structurant autour de ces quatre notions fondamentales que sont l’hypnose, l’imagination active, le monde imaginal, et le voyage chamanique.

L’hypnose représente, en quelque sorte, la porte qui permet d’entrer dans le monde imaginal. A la différence du voyage chamanique qui nécessite tout de même un certain rituel et l’utilisation d’un tambour, l’hypnose est très simple à mettre en place et n’a pas besoin de rites ni d’objets particuliers. En état d’hypnose, le voyage imaginal acquiert une saveur de douceur et de fluidité propre à cet état de conscience, qui rend l’expérience particulièrement agréable à vivre, et qui permet aux changements de s’installer dans un certain confort.

L’imagination active et les idées de Jung apportent à l’hypnose imaginale un fondement théorique essentiel pour comprendre le sens de l’expérience imaginale et des images symboles qu’elle produit. En effet, très souvent la signification des symboles imaginaux relève des seuls initiés, ce qui peut engendrer une certaine frustration de se sentir dépossédé de la compréhension de soi-même. Avec la grille de lecture que propose Carl Jung quant à l’interprétation des symboles et à la structure de la psyché, le sens du voyage imaginal nous devient davantage accessible.

Le concept de monde imaginal de Henry Corbin permet de situer le lieu dans lequel l’hypnose imaginale opère : entre le corps et l’esprit, dans cet espace que l’on pourrait appeler l’âme. Il nous interpelle également sur la nécessité de porter le plus grand intérêt sur cet espace, indispensable carrefour, qui crée le lien entre nos pensées et nos actions dans le monde matériel, autrement dit qui donne un sens à notre vie.

Quant au voyage chamanique, l’hypnose imaginale en représente une version plus moderne et davantage axée sur la psychologie, particulièrement sur la vision Jungienne. Les mondes d’en bas, d’en haut et du milieu sont les différents espaces accessibles dans notre inconscient personnel et collectif ; les animaux de pouvoirs sont les représentations symboliques de nos forces instinctives ; notre Guide intérieur est la figuration de notre Soi ; enfin, les métamorphoses de transformation sont l’expression de la voie de l’individuation, et donc de la réalisation de Soi.

En définitive, l’hypnose imaginale, composée de ces quatre notions que sont l’hypnose, l’imagination active, le monde imaginal, et le voyage chamanique, constitue une sorte de mandala symbolique, véritable cercle magique nous (re)donnant le pouvoir d’accéder à notre âme.